Qu’est-ce qu’un bon manager ?
Une amie m’a posé cette question il y a quelque temps, en me regardant décrocher les différents antivols de mon vélo. Je la remercie pour cette question.
Ma réponse se base sur les multiples managers qui m’ont managée, ceux que j’observe dans mes missions, ceux que je coach et sur les multiples commentaires entendus des managés qui les côtoient. En respectant un ordre qui me semble le bon.
Un bon manager est une personne capable de porter une vision, d’énoncer clairement et de différentes façons dans quel but et quel contexte l’équipe ou les équipes travaille(nt). Je dis “de différentes façons” car nous savons que chacun mémorise selon différents capteurs préférentiels (la vue, l’ouïe, la pratique) et plus le message sera véhiculé selon différents formats, à différents moments, dans un vocabulaire qui varie, plus le message sera compris et assimilé par le plus grand nombre. Il faut répéter et répéter encore. Je n’ai rien trouvé mieux que cette vidéo de 2009 pour étoffer mon propos.
Un bon manager est une personne qui décide/ a les moyens de s’accorder du temps pour manager. Mais comment matérialiser ce temps ? Maîtriser ce temps ? Et bien en s’assurant d’occuper différents espaces. Le modèle Host leadership propose une analogie avec un dîner de personnes dont vous êtes l’hôte. Pour une soirée réussie, il vous faudra prendre le temps de la réflexion et de la préparation (en cuisine) mais également être au milieu des équipes (à table avec les invités), également capable d’annonces (sur scène) et d’observations (du balcon).
Un bon manager est une personne qui sait faire la distinction entre ce qui est sous son contrôle et ce qui ne l’est pas. Dans certaines grosses organisations, les responsabilités d’encadrement des personnes sont parfois diluées entre le management mais aussi les ressources humaines. Par exemple, l’évaluation du salarié est entre les mains du manager mais l’attribution d’une prime entre celles du service RH. Ou bien le service rendu est le résultat d’efforts de directions distinctes qui ne sont pas managées par les mêmes personnes. Des évolutions positives de l’organisation ont souvent lieu grâce à des personnes qui pensent et agissent au delà de leur fiche de poste. Je rencontre des managers qui pensent au bien de l’organisation en plus de penser à leur périmètre de responsabilités. Et heureusement que j’en croise. Mais je les vois aussi s’épuiser d’années de batailles sans les armes nécessaires. Ils n’ont alors plus la force de faire ce qui leur est demandé. Ils s’épuisent d’agir au delà de ce qu’ils peuvent contrôler. Reprendre conscience de cette distinction leur demande de lâcher un idéal mais leur permet parfois de regagner un peu d’énergie. Cela demande aussi de la pédagogie auprès des équipes qui n’ont pas toujours clairement en tête ce sur quoi leur manager peut agir.
Un bon manager sait adapter son niveau de délégation au contexte et développer dans le temps l’autonomie de son équipe. Prenons l’exemple de Marc qui vient de récupérer l’encadrement d’une équipe en pleine crise (plusieurs départs, une qualité de service en baisse, des utilisateurs mécontents). Il aura, dans un premier temps, intérêt à être au plus près de l’opérationnel et avoir un niveau de délégation entre 1 et 3 (échelle de délégation de la boîte à outils management 3.0) sur le mode d’organisation de l’équipe, sur les priorités à traiter. Puis avec le temps, déterminer des domaines dans lesquels l’équipe peut reprendre plus d’autonomie, en parler avec elle et ajuster sa posture pour laisser plus de place aux initiatives. Et remplacer l’action opérationnelle par de l’observation et du feedback.
Un bon manager fait régulièrement du feedback à ses équipes. Individuel, collectif, positif, négatif. Que c’est dur. Le plus dur dans notre culture française. D’ailleurs le mot est anglais. En français cela donnerait “boucle de rétroaction”. Un “retour sur acte”. Ce ne sont pas des mots que l’on utilise au quotidien. Les salariés en demandent mais n’aiment pas le recevoir. Les managers tremblent à l’idée d’en faire. Même quand il s’agit d’énoncer des qualités que l’on reconnaît chez l’autre. Cela gêne.
On pourrait distinguer le recadrage du feedback aussi. Le recadrage comme l’occasion de rappeler à un salarié le non respect du cadre (des règles énoncées par l’organisation elle-même, par la loi, par l’équipe). Et le feedback comme une appréciation plus subjective du travail effectué ou du comportement adopté.
Et pourtant le besoin de reconnaissance est partout pour valider que l’on va dans la bonne direction, nourrir sa motivation. Le besoin de recadrer est essentiel pour que l’espace de travail soit sain, égalitaire, respectueux. Le besoin de critiques constructives sur le travail ou comportement, essentiel pour progresser.
La liste est longue. Faire de son mieux pour manager est difficile et solitaire. Je ne cesse de le dire.