Retour sur l'article de Valérie Lemineur qui explique la différence entre coachs agiles et coachs d'équipe
J'ai plein de pensées qui se bousculent à la lecture de cet article : “Coach agile et coach d'équipe (d'auto-organisation), ce n'est pas la même chose”. Et une grande joie de me trouver en adéquation avec un certain nombre de propos de son auteure : Valérie Lemineur.
Oui les coachs agiles et les coachs d'équipe vivent dans deux univers assez éloignés. J'ai eu l'occasion de le constater lors du colloque sur la supervision organisé récemment par PSF. Et dans lequel quelques coachs agiles se sont aventurés. J'y ai fait de belles rencontres, notamment avec Véronique Sagot qui m'a partagé l’article dont je vais parler. Mais j'ai vécu de longues minutes de solitude au milieu de certaines conversations très conceptuelles. Beaucoup trop pour moi qui suis à la frontière entre les deux univers : l’agilité et le coaching.
Oui je confirme, la plupart des coachs agiles agissent sans qu'il y ait une demande de la part du client. Disons que la demande initiale ressemble à : “Venez donc travailler 4/5 jours par semaine chez nous.” Et ensuite, rares sont les rendez-vous avec le client dans lesquels on discute du cadre, des objectifs, des éléments de mesure. On est laissés dans la nature. Certains coachs agiles sont très satisfaits de ces contextes et trouvent de quoi s'occuper. Et en même temps ce serait dommage de s'en passer étant donné que 4/5 jours de facturation à 1000/1200 euros peut être motivant. Certains répondent que agir chez un client au fil des dysfonctionnements identifiés c'est faire preuve d'autonomie. Et justement l'autonomie est au coeur d'une démarche agile.
Personnellement tout ça me met très mal à l'aise. Je m'aperçois que passer 4 jours par semaine chez un client sans cadre, sans feedback à occuper l'espace en agissant parce qu'il me semble que telle équipe aurait besoin de ça et une autre aurait besoin de ceci m'a conduite à la démotivation la plus totale. Et outre ma santé personnelle, quels bénéfices pour l'organisation ? Pas grande chose.
Oui j'ai été scrum master baby-sitter comme décrit dans cet article. Et coach agile convaincue, passionnée et seule à l'être avec quelques acolytes sympathiques trouvés au gré de mes actions nombreuses. Je le reconnais.
Pour rebondir sur la mention du scrum guide, heureusement les coachs agiles s'y réfèrent de moins en moins et la profession évolue dans ses lectures. Je dirais que ce sont surtout les clients qui nous poussent dans ces travers expliqués plus hauts. C'est fantastique pour eux d'avoir enfin sous le coude des personnes qui vont pouvoir transformer leur entreprise en se débrouillant seuls ! Vive l'autonomie ! Quelle belle promesse. Moi si j'étais manager, je prendrais tout de suite un coach agile à plein temps. Je me souviens d'un client qui avait refusé de travailler avec moi en disant "je n'aime pas les coachs qui posent trop de questions". Et je le comprends. Les questions ça dérange, ça bouscule, ça fait réfléchir.
Et oui je suis AU COMBIEN d'accord avec la référence à Céline Alvarez et l'idée que si l'équipe évolue dans un contexte favorisant son émancipation, sa créativité, son auto-organisation, elle saura largement aller trouver les outils qui lui faut.
Je suis complètement démotivée par les débats autour des étiquettes "coach agile", "coach en auto-organisation", "coach/consultant", etc. Ce que j'aimerais c'est une discussion franche avec les clients : c'est quoi vos problèmes ? Vous voulez du coaching ou du conseil ? Vous voulez travailler sur les interactions ou les outils ? Je m'efforce d'avoir de plus en plus cette conversation avant de démarrer chez un client. Mais c'est dur. J'ai l'impression que c'est déjà leur poser trop de questions...
J'ai tant appris de mes pairs coachs agiles. Et j'ai tant appris depuis mes différentes formations en coaching. C'est le client que j'ai envie de confronter maintenant. Et j'aimerais que nous le fassions tous. Mais voilà il faut bien bouffer : on a plus de chances de facturer un client en faisant ce qu'il demande. Et c'est ce qui donne naissance aux dérives du coaching agile.
J'ai de plus en plus de connaissances "coach" qui me demandent ce qu'ils gagneraient à avoir l'étiquette "agile" à côté de leur titre. Je leur réponds : de l'argent.
Je terminerais en racontant le dîner de copines auquel j'ai participé mardi soir. Lors de ce dîner, mes amies (dont la plupart travaillent en marketing dans des grandes boîtes qui vendent des produits de consommation) parlaient toutes des plans de licenciement qu'elles vivent successivement. Elles expliquent qu'elles traversent aujourd'hui la conséquence d'un aveuglement total de leurs patrons face aux changements dans le monde : changements écologiques, de consommation, d'éthique, etc.
J'aimerais que quelque soit notre intitulé, notre mission consiste à accompagner ces boîtes à devenir des sociétés apprenantes, intelligentes, adaptables avant qu'il ne soit trop tard pour elles. Car comme le dit si bien Jean-François Zobrist : “le but d'une entreprise c'est d'être pérenne”.
Vive la pérennité pour les entreprises qui savent s'adapter, se renouveler, grandir. Et permettre à leurs employés de s'épanouir.