Prise de conscience et OKR
Ca m’amuse de mettre ces deux termes dans une même phrase. La prise de conscience c’est ce que je cherche à générer dans le groupe ou chez l’individu que j’accompagne. C’est ce qui fait que mon métier peut être grisant. C’est ce qui me donne l’impression d’avoir apporté de la valeur. Parce que la prise de conscience va permettre de lever les barrières qui nous empêchent d’agir, d’avancer.
Les OKR c’est un acronyme, donc quelque chose d’ennuyant à première vue. C’est un outil dont j’entendais beaucoup parler. Qui me semblait aussi simple que douteux. Et puis finalement, j’ai testé avec une équipe, et cela nous a permis de toucher du doigt ce qui les empêchait d’être réellement une équipe.
Un client m’appelle et me demande si je peux venir animer une journée, un séminaire qu’il souhaite organiser pour son pôle. Nous sommes en janvier. Je comprends qu’il veut que le groupe parte du bon pied pour l’année qui démarre. Je lui demande ce qu’il souhaite obtenir à l’issu de cette journée. Il m’explique qu’il voudrait que l’équipe ait défini des objectifs et des KPI. Que les attentes de l’entreprise vis-à-vis de leur mission sont ambitieuses et qu’il aimerait que le groupe sorte un peu de sa zone de confort. Je raccroche et note un peu ce qui me vient, mes premières idées : OKR ? Strategy map ? Remember the future. Je fais quelques recherches et je comprends vite que le principe même des OKR est de définir des “strech goals”, c’est à dire des objectifs ambitieux pour favoriser l’apprentissage. Je décide de partir dans cette direction et de creuser un peu plus.
Cela m’a demandé un peu plus de temps que prévu car j’ai lu des choses contradictoires, j’ai eu du mal à trouver de la documentation sur la manière de les faire émerger d’un collectif, la manière de les suivre. Voilà ce que j’ai compris et surtout comment je m’en suis servi dans mon accompagnement d’équipe.
J’aime de moins en moins prendre cette posture de consultante, d’experte en outillage. J’ai eu l’envie de commencer par leur expliquer les origines de la démarche, la philosophie, les bienfaits connus, puis de leur demander leur feedback. C’est une démarche qui s’inscrit dans la durée, qui allait bousculer potentiellement leur façon de faire habituelle. Je crois qu’ils ont été emballés par le caractère “nouveau” et “célèbre” de la démarche et qu’ils se sont rendus compte bien plus tard dans la journée de l’impact sur leur fonctionnement. Mon collègue Grégoire m’avait fait un beau poster pour l’occasion. J’ai passé 10 minutes à leur expliquer les grandes idées :
Présentation des OKR
C’est en réalité une démarche largement éprouvée étant donné qu’elle est née bien avant son utilisation connue chez IBM par Andy Grove.
Bien des entreprises ont adopté les OKR partout dans le monde ET EN FRANCE ! Google, Netflix, Criteo, Grtgaz, etc.
Le principe est de créer un environnement motivant pour l’équipe et de donner de la cohérence et donc du sens. En effet, l’intérêt est grand lorsque c’est toute l’entreprise qui adopte le principe et que les OKR des cercles englobés découlent des OKR des cercles englobants.
Le but c’est bien l’apprentissage. On cherche plus à apprendre qu’à atteindre l’objectif. D’ailleurs s’il est atteint, c’est bof. Ca veut dire que l’on a pas été suffisamment ambitieux.
C’est une démarche émergente : c’est l’équipe qui définit ses objectifs. Et non pas un manager dans son coin.
Un des principes clefs est la transparence pour favoriser la compréhension, l’alignement, le feedback.
On travaille sur une période qui peut être annuelle ou trimestrielle.
L’intention est d’arriver à 60/70% de l’objectif
Avant de se creuser les méninges pour appliquer la démarche à notre contexte, j’ai pris quelques temps pour leur demander d’écrire la raison d’être de leur équipe. Nous avons un peu échangé car il y avait des décalages de perception. Certains mots ne mettaient pas tout le monde d’accord. Et nous avons finalement obtenu une phrase inspirante qui nous a guidé pendant toute notre réflexion.
Objectives
Nous nous sommes mis d’accord pour travailler sur la période du premier trimestre. Pour plusieurs raisons : d’abord pour tester la démarche et s’autoriser rapidement à la questionner, la poursuivre ou l’arrêter. Parce que l’on souhaite rapidement savoir si on s’est trompé dans nos hypothèses (les résultats qui doivent nous permettre de nous rapprocher de l’objectif). Parce que prévoir pour un an semble compliqué dans un contexte changeant. Je leur ai également expliqué qu’un objectif pouvait être repris d’un trimestre à l’autre. Dans sa vidéo, John Doerr explique que l’objectif chez Google a longtemps été “build the best browser”.
Pour faire émerger les objectifs, je leur ai proposé tout simplement de faire un brainstorming un peu organisé. Je leur ai d’abord rabâché quinze fois que l’on cherchait à :
identifier 3 objectifs max
des objectifs ambitieux (pas du type : faire aussi bien que l’année dernière)
qu’un objectif est qualitatif ex : “avoir les meilleurs profils de notre secteur”
Puis chacun a réfléchi pendant une minute dans son coin, pendant deux minutes à deux, quatre minutes à quatre puis deux groupes se sont formés. A chaque étape, chacun des membres pouvait discuter de ses choix avec les autres, éliminer des idées, en identifier de nouvelles. Puis chacun des deux groupes a présenté le fruit de ses réflexions aux autres. Les discussions étaient riches. Et puis il a fallu faire des choix. Avec le principe du dot-voting, nous sommes parvenus rapidement à dégager trois objectifs que l’équipe se fixe pour le premier trimestre.
Key results
Nous avons procédé de la même manière pour les key results. En travaillant sur un objectif à la fois. Avec cette fois-ci comme consigne :
identifier 4 résultats max
les résultats sont spécifiques, quantitatifs, vérifiables, réalistes
ce ne sont pas des tâches mais des résultats que l’on souhaite atteindre, et qui nous permettront de compléter l’objectif. ex : nous aurons posté trois annonces dans le journal…
Les discussions étaient encore une fois très intéressantes. Car c’est très différent de réfléchir à ce que l’on doit faire pour atteindre un objectif ET réfléchir à quels résultats atteindre pour se rapprocher d’un objectif. Et c’est passionnant de voir un groupe de 9 réfléchir collectivement à ces questions. Cela embarque les gens dans une énergie positive de succès.
Panique
Nous avons donc progressé dans la démarche tranquillement. En travaillant à la définition des trois objectifs, puis des résultats recherchés pour le premier objectif, puis le deuxième, puis le troisième. Le moment clef de l’atelier a eu lieu lorsque le groupe s’est penché sur les résultats du deuxième objectif trimestriel. Je commençais à voir les visages s’inquiéter. Et une personne a demandé “mais qu’est-ce que je fais si aucun de mes objectifs individuels ne va concourir aux résultats que nous avons sélectionnés ?” Puis une autre s’est mis à rigoler en disant “PANIQUE !”. C’est ce moment dont je parle plus haut et qui a été clef pour cette équipe, dans sa démarche de définition des OKR : le moment où l’on s’aperçoit que l’on travaille chacun pour servir les objectifs définis individuellement et que l’on s’interroge sur la priorité entre ses objectifs individuels et ceux du groupe. C’est le moment où l’on se dit mince, je n’ai pas les compétences pour contribuer aux résultats attendus, ou comment est-ce que l’on va travailler à plusieurs sur un sujet porté aujourd’hui par une seule personne, c’est le moment où l’on sent un inconfort.
C’est à ce moment que l’équipe a entrevu une liste de changements incontournables : réfléchir ensemble aux tâches globales, se les répartir intelligemment, partager, se faire grandir pour diffuser les compétences, abandonner des habitudes, casser un peu les frontières entre les rôles des uns et des autres.
L’équipe a également réalisé que ce séminaire ne pouvait pas être le seul moment de rencontre de l’équipe et que les 9 membres allaient avoir besoin de se rencontrer régulièrement pour imaginer les tâches associées aux résultats, partager leur avancement, partager les apprentissages, s’entraider sur les blocages, réviser les OKR chaque trimestre, etc.
J’ai la sensation que cette démarche des OKR a apporté beaucoup de valeur à l’équipe et va contribuer à la faire bifurquer vers plus de travail collaboratif. Je pense que si la définition même des OKR amène des apprentissages, c’est par le suivi et la poursuite de la logique dans la durée que l’équipe et l’entreprise progresse. J’espère avoir la chance de vous écrire un prochain article sur ce sujet.