Holacratie : par où commencer
Cela fait un peu plus d’un an que je parle d’holacratie avec entrain. Dans des articles, des ateliers, des REX. La question qui revient souvent parmi les gens avec qui j’en discute c’est “par où commencer” ? Voilà quelques réflexions issues de ma pratique :
COMMENCER À PARTIR D’UNE PROBLÉMATIQUE (OU D’UN BESOIN)
Facile. Des problématiques on en a un paquet dans nos organisations. Donc on a un problème et on souhaite le régler. Exemple : nous sommes une entreprise de conseil. Nous ne vendons pas assez de formations. (Je vais reprendre cet exemple à plusieurs endroits dans mon article).
On décide donc de créer une équipe (ou cercle) pour résoudre le problème, répondre au besoin. On réfléchit à 5 choses pour démarrer. Ce sera notre base de travail. Cela évoluera probablement.
la raison d’être du cercle : vendre plus de formation
son ou ses domaines : le catalogue formation, le planning des formations
quelques redevabilités : mettre à disposition de l’équipe commerciale les argumentaires de vente
quelques métriques : Nombre de formations données depuis le début de l’année
des éléments d’une checklist : Le calendrier des formations est à jour
Une fois ces éléments clarifiés, on réunit les personnes qui nous semblent les bonnes pour résoudre ce problème. On essaye de limiter le nombre à 8/9. Parce que les réunions à plus de 9 personnes favorisent les conversations parallèles, le brouhaha, etc...
On invite ces personnes à une première réunion. Cette première réunion peut être une réunion de triage ou de gouvernance. Peu importe. Il m’arrive de plus en plus, chez mes clients, de traiter les deux en même temps. Au démarrage, on présente le cadre de l’équipe (les 5 éléments ci-dessus). On explique aux personnes présentes que l’on a besoin d’elles, à priori, pour atteindre l’objectif fixé. Mais que ce groupe de personnes pourra évoluer. Et on commence à traiter des tensions. En traitant des tensions, on fait émerger éventuellement des rôles, on fait évoluer les redevabilités, métriques, checklist du cercle. On termine par décider d’une prochaine date de réunion, une fréquence. Et puis on publie quelque part l’enregistrement de la réunion rédigé en séance.
Petit-à-petit, on va diffuser les bonnes pratiques du cercle “Vendre plus de formation” dans l’entreprise et potentiellement faire émerger d’autres cercles englobants ou sous-cercles. Jusqu’à clarifier toute l’organisation.
Quand on a peu de soutien de la hiérarchie et que l’on veut expérimenter l’holacratie, c’est simple de créer un cercle pour résoudre une problématique opérationnelle . On se met en ordre de marche pour résoudre un problème concret. On n'a besoin de convaincre personne sur l’existence du problème.
COMMENCER PAR LE HAUT
Quand j’écris “commencer par le haut”, je sous entends partir du cercle englobant qui crée ensuite lui-même les sous cercles. C’est ce qui est décrit dans le livre de Brian Robertson. On part de la stratégie globale de l'organisation pour définir ensuite les stratégies des sous cercles. Cela donne du sens à chacun des cercles. On est certain qu’il oeuvrent tous pour la raison d’être même de l’organisation.
Cette démarche est possible quand on a une volonté des décideurs/managers de partir sur un nouveau modèle d’organisation. Mais quand l’idée ne vient pas des décideurs eux-mêmes, cela peut être compliqué de réunir dans une pièce ces personnes et leur demander d’écrire leur raison d’être. Ca peut même paraître trop éloigné de la réalité du terrain “non mais t’es gentille mais là on a des soucis en prod…”
FAUT-IL LAISSER LES RÔLES ÉMERGER ?
Cette semaine, j’ai accompagné un client qui souhaitait créer une équipe/cercle pour atteindre un nouvel objectif fixé par les managers. Je me suis demandée si je lui proposais de définir à l’avance les rôles et la personne à qui donner le rôle, ou juste les rôles et avec élection sans candidat, ou rien du tout.
J’ai relu les passages du livre de Brian Robertson à ce sujet. J’en ai discuté longuement avec Pablo et Hédi qui expérimentent le modèle dans leurs contextes respectifs.
Pablo m'a dit “l’important c’est de favoriser l’auto organisation”. Donc plutôt démarrer sans rien et laisser l’organisation émerger des discussions autour des tensions. Laisser un maximum de liberté.
Hédi lui m'a répondu que c’est au premier lien de choisir qui assume quel rôle. Et qu’il peut faire appel à un processus plus démocratique (ou basé sur le volontariat) uniquement s’il ne sait pas qui choisir. “On peut faire confiance au 1er lien pour choisir la bonne personne (de même que l’on fait confiance à chacun pour assumer sa propre mission). Le principe des tensions, en holacratie, sert de garde-fou. Si quelqu’un n’est pas d’accord, ou que le rôle n’est pas bien tenu, rien n’empêche de lever une tension sur le sujet et de revoir la décision du 1er lien en gouvernance.”
En gros, ça dépend du contexte !
Avec mon client, on a décidé de laisser place à l’émergence : les rôles sont crées au fil du temps, quand, à l'issue d'une tension, on décide de clarifier un rôle et ses redevabilités.
APPLIQUER LE PRINCIPE D'INVITATION
Le mois dernier chez un client, on a lancé une invitation pour créer un cercle afin de traiter une problématique. Un des invités a répondu : “je ne suis pas certain d’avoir un rôle à jouer dans cette problématique”. Très bien. On a choisi d’avancer sans cette personne. Il a peut-être raison. Peut-être que l’on n'aura pas besoin de lui. On le saura rapidement et on pourra réajuster.
LES QUESTIONS QUE L’ON ME POSE SOUVENT À PROPOS DE L' HOLACRATIE :
J’ai entendu parler de déshumanisation ?
En effet, dans une organisation holacratique on se présente par son rôle ou ses rôles. Dans la newsletter de IGI Partners, l’auteur de la newsletter signe : “Perrine, Rôle iGi News”. Est-ce que cela entraîne une déshumanisation de l’entreprise ? Je n’ai pas encore fait ce constat dans mes expériences. J’aime le fait qu’un rôle ne soit pas un poste. Cela permet d’introduire de la souplesse : on change de rôle, on les cumule, on les quitte sans remettre en question le contrat qui lie le salarié à son entreprise. De la distance aussi entre soi-même et le travail accompli. Cette distance favorise l'auto critique, la remise en question : est-ce que je suis la meilleure personne pour ce rôle ? Mes deux rôles sont-ils compatibles ?... Je changerai peut-être d’avis là-dessus au fil de mes expériences. A voir...
Qu’est-ce que tu me conseilles de lire ?
Avant je parlais de la BD. Maintenant je partage plutôt les quelques premiers retours d’expériences sur le sujet rédigés sur divers blogs.
Est-ce que les gens auront la parole libre s’ils sont dans un cercle avec un manager ? A cela je réponds que c’est au facilitateur de faire attention aux temps de parole et à ce que chacun puisse exprimer ses tensions. Au début pas simple, mais après, le rôle du manager change. Il a une vraie occasion de mettre son expertise au service du cercle. Et on a plus la crainte de parler devant lui.
LES CONSEILS QUE JE DONNE :
Ne pas parler d’"holacratie". Proposer de tester des pratiques et c’est tout. Ne pas utiliser l’étiquette. Je ne parle même pas de la constitution qui reste au placard. La notion de “cercle” refroidit un peu aussi.
Avoir un bon facilitateur lors des réunions de triage/gouvernance/stratégie. Quelqu’un qui maîtrise les quelques outils mis à disposition par l’holacratie (ex : les tours de question, clarification en réunion de triage). Et qui va amener les discussions vers des actions SMART.
Si beaucoup de tensions : les prioriser en demandant à chaque auteur d’une tension de la noter de 1 à 10, comme lorsque l’on vous demande d’évaluer votre niveau de douleur aux urgences (merci Pascal Poussard pour cette excellente idée).
N'hésitez pas à me parler de cos éventuelles expérimentations.